Corps Éternels
Rodin & Contemporains
Cette exposition est présentée entre 2018 et 2020 sur le territoire de la Savoie.
En partenariat avec le Musée Rodin de Paris, le Grand Palais RMN, les villes d’Aix-les-Bains et de Bassens et le département de la Savoie.
L’intention
Nous vous proposons ici une épopée dans différentes visions de représentations du corps. Ce parcours est jalonné par cinq stations regroupant les œuvres dans différents états du corps. Les artistes contemporains invités cohabitent avec des photographies d’œuvres d’Auguste Rodin. Ainsi, il est donné à observer ces différents états de corps à travers différentes époques, différentes cultures. Cette question de la représentation du corps humain est un véritable fil rouge de l’histoire de l’art. Pourquoi sommes-nous fascinés par ce corps ? En quoi notre identité se forme-t-elle autour de celui-ci ? Comment ces artistes font d’eux-mêmes et par catharsis, par empathie, font de nous spectateurs, des êtres terriblement poétiques, terriblement politiques ?
Il s’agit de vous proposer à vous, spectateur, de vous faire vous-même votre exposition, de vous laisser emporter par ces fils tendus, par ces questions posées en suspend, par ces évocations de mots, d’images et de matières. Les questions et les idées, sont posées par les artistes, par la dramaturgie proposée, c’est à vous maintenant de vous laissez embarquer dans un cheminement personnel, dans cette ouverture qui vous mènera on ne sait où.
La scénographie
Cette exposition a été conçue sur-mesure pour le lieu dans lequel elle se trouve. Elle sera amenée à voyager et s’adaptera ainsi aux cadres dans lesquels elle vivra. L’ouverture sur cette région de Savoie Mont-Blanc a une place toute particulière ici, notamment par la vue sur le paysage qu’offre la Ferme de Bressieux de la ville de Bassens et par la luminosité que cela procure. L’éclairage est pensé pour offrir une lumière immersive, comme si vous étiez sur scène avec les œuvres parce qu’au fond c’est vous, spectateur, qui êtes le sujet de cette exposition.
Le travail
C’est un travail que mène La Compagnie Caravelle depuis quelques années qui est à l’origine de cette exposition. En effet, les créations de la compagnie tournent autour des questions de l’identité, des conditions d’état des corps ou d’humanisme. En avril 2015 est engagé un travail autour d’Auguste Rodin et de Camille Claudel ; aujourd’hui en création, un spectacle se prépare sur ce sujet. Par extension des recherches et rencontres menées dans ce cadre, s’est présentée l’idée d’offrir cette exposition comme une porte d’entrée dans ce travail mené. Corps éternels s’est donc tout naturellement construite entre ces travaux de la compagnie et Carnet d’Art qui entretient, depuis plusieurs années, des relations privilégiées avec des artistes pour offrir au plus grand nombre un accès à leurs démarches de créations et leurs œuvres.
Article sur www.carnetdart.com par Jean Paul Gavard Perret
“L’aventure du corps dans la sculpture reste essentielle. Son dessein est de tenter de franchir sa clôture et traverser sa frontière par effet de surface et de volumes. C’est pourquoi sa construction est toujours à reprendre. À la Ferme de Bressieux, les deux commissaires de l’exposition (Kristina D’Agostin et Antoine Guillot), par le retour au passé le plus fort (celui d’Auguste Rodin), engagent la langue plastique vers un avenir. Les artistes réunis et choisis à dessein – Annie Berthet, Faber, Nicolas Lavarenne, Thierry Ligismond, Marc Petit, Olivier Roller et Yan Zoritchak – traitent avec incandescence une identité décuplée.
Le corps devient une cible à proprement parler, sa saisie relève de la concentration et de la précision du tir à l’arc là où jaillissent parfois de nouvelle versions du martyr de Saint Sébastien (section corps martyr) mais celles, le plus souvent, d’autres opérations (entendons ouvertures) au sein des quatre autres sections (corps contraint, vivant, sexué, libéré). Les créateurs donnent au corps et à la mémoire de Rodin un sens qui échappe tant à la nostalgie qu’à l’exotisme de façade par leurs « re-présentations ».
La forme est plongée par sa poésie dans une urgence politique et sociale. La sculpture brise, entrave ou exhausse instincts de vie et de mort, volonté d’être libre ou ne pouvoir que se cacher. Les artistes font sortir bien des faces secrètes par la « choséité » (Beckett) de la sculpture. Elle pose ici la question de la visibilité à travers l’épaisseur par delà les jeux de surface. Il s’agit tout autant d’occulter le muséal, le marmoréen, la figure poétique éculée pour densifier le substrat du corps afin de cerner de plusieurs côtés sa perte tout comme de laisser le champ libre à tout ce qui pourrait advenir : d’où les postures choisies par les créateurs pour ce lieu d’exposition d’une clarté exceptionnelle.
Les artistes incarnent un réalisme particulier en jouant des effets de strates et des impressions que celles-ci peuvent offrir. Créant un pont entre le réel et ce qui lui échappe, entre l’art et son image espérée ou attendue, et au moment où la figuration médiatique fait loi, ils plongent en un univers de nécessaires ambiguïtés figurales et décalages.
L’exposition fait du spectateur un être à la fois libre et aimanté. Dégageant des épaisseurs de part d’ombre, les artiste scrutent les voies qui conduisent de l’obscur à l’illimité, explorent les envers d’une réalité dont la face lumineuse ne contient pas tous les secrets. Les œuvres retenues sont au service de bien des paroxysmes et des ruptures. L’objectif des deux commissaires et de leurs invités est donc essentiel : arracher le regard à la passivité organisée, offrir une volonté de combattre. Le tout pour sortir le spectateur de son état de « poulpe au regard de soie » (Lautréamont) et le corps de son immobilité soustractive.”