Ils étaient là. A quelques mètres de nous. Et c’est sur eux qu’ils ont tiré. Pas sur moi. Pas sur toi.
C’est sur ces innocents autant que je le suis, autant, que l’on peut l’être, qu’ils ont tiré.
Évidemment on ne comprend pas, on se pose toutes les questions du monde, on pleure, on veut de l’amour, on remet en question, on ne veut pas.
Non, on ne veut pas. Et pourtant, la guerre était sur le pavé de cette nuit là.
Il faut dépasser l’émotion, se réapproprier l’ordinaire après ça.
Trouver une place dans notre quotidien, même symbolique, à ces images et ces bruits indélébiles.
Leurs trouver une place et continuer à vivre.
Ne pas s’enfermer, ne pas s’isoler, se donner les moyens de prendre conscience de ce qui est l’élément sans doute manquant de notre génération.
Cet élément fédérateur qui pouvait nous manquer jusqu’à présent. Le voilà.
La voilà notre guerre à nous.
Celle qui donne sens à notre génération.
Celle qui doit nous lier.
Celle qui nous impose les questions auxquelles nous devons répondre pour l’avenir de notre société.
Et même si nous ne l’avons pas voulu, quelque soit la forme qu’elle prend.
Il faut se réveiller demain en sachant que la naïveté n’enfante la lucidité que dans la douleur.
Alors réveillons-nous, levons-nous, dégueulons la bile qui nous reste d’hier et adressons ces mots à celle, celui, toi, moi, nous, hommes et femmes en devenir, à venir aux rennes de notre monde, actifs de demain, porteurs d’histoires, à présent porteurs d’une Histoire commune qui ne fait qu’ouvrir ses tristes premières pages…
Dans quel monde voulons-nous vivre ?
Quelle réponse donnons-nous à ces événements ?
Quels discours, quelles réactions tolérons-nous ?
L’exemplarité de nos élus de la République, plus de questions partisanes, accueillir l’émotion citoyenne et la transformer en force unitaire – voilà donc un bel embryon de définition de la démocratique – l’exigeons-nous ?
L’intelligence et le discernement de nos voisins, l’accompagnement si besoin pour certains, le cherchons-nous ?
Prenons nous la main et marchons, marchons ensemble vers ce bel horizon qui nous attend, même si rythmé par les larmes de sang de ce monde malade.
Ne sombrons pas dans la facilité d’arts qui n’en sont pas, de discours qui n’en sont pas, de pensées qui n’en sont pas. Nous nous devons d’être. D’être digne de notre condition d’être humain, nés et morts poussière mais vivants pensant.
Dressons-nous en bloc contre la facilité de n’importe quelle pensée teintée ou tombée haineuse, quelle qu’en soit la couleur.
Repensons ensemble la sublime naufragée Europe, territoire d’une paix avortée.
Lisons ensemble ces grandes plumes qui, malgré d’hier, nous apprennent encore et toujours demain.
Rions ensemble de nos inepties si avides d’elles mêmes qu’elles ne cessent de se multiplier.
Transformons les différences sociales en choix de vie.
Transitons le militantisme partisan en défense d’idéologies philosophiques.
Développons la tradition au sein de cette modernité effrénée.
Cultivons notre utopie pour une société possible et digne de nos individualités.
Unissons-nous au nom de la liberté d’une invincibilité.
Pour la compréhension, pour l’intelligence, pour le bon sens…
Cultivons, Cultivons, Cultivons… Nous !
Oui, soyons romantiques, baisons sous ce putain de drapeau qui nous coûte comme il peut nous rapporter.
Oui, soyons le bordel de la jeunesse à qui le monde appartient.
Oui, soyons l’avenir de ce monde qui ne peut attendre que nous en nous entendant.
Oui, raisonnons main dans la main, sages âmes et fougueux esprits.
Oui, dressons-nous simplement pour nous sentir vivant.
Levons-nous et crions que l’immobilisme n’est pas constitutif de ce que nous désirons.
Fermons les yeux et écoutons cette odeur de poudre qui ne peut que nous donner la force de vouer notre vie à rendre ce monde meilleur.
Antoine Guillot